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ORDONNANCES DE PROTECTION : le webinar

J’ai été invité le mercredi 16 décembre par l’association ENTR’ELLES ET EUX à un webinar « Violences conjugales : et la justice dans tout ça. » . Retrouvez ci dessous mon intervention consacrée aux ordonnances de protection.

Retrouver ici la Video du webinar

WEBINAR – ORDONNANCES DE PROTECTIONENTR’ELLES ET EUX

Le dispositif législatif et réglementaire des ordonnances de protection :

  • La loi du 9 juillet 2010 : Vote de la loi relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants : création de l’ordonnance de protection des victimes et du délit de harcèlement moral au sein du couple.
  • La loi du 28 décembre 2019 a modifié la procédure de l’ordonnance de protection afin d’en faire une procédure d’urgence.
  • Le nouvel article 515-11 du Code civil dispose ainsi que le juge aux affaires familiales délivre l’ordonnance de protection, non plus « dans les meilleurs délais », mais « dans un délai maximal de six jours à compter de la fixation de la date de l’audience ».
  • Articles 515-9 et suivants du Code civil : l’ordonnance de protection permet au juge aux affaires familiales de protéger en urgence la victime vraisemblable de violences conjugales tout en statuant sur les mesures relatives aux enfants et au logement.
  • Le décret n° 2020-636 du 27 mai 2020 fixe les nouvelles règles de procédure.

– Procédure1 :

Le juge est saisi par la partie en demande, assistée si elle le souhaite par un avocat, ou par le procureur de la République avec l’accord de la victime.
Le défendeur est convoqué à l’audience, mais le juge peut organiser des auditions séparées. L’ordonnance de protection peut être prononcée en l’absence du défendeur dûment convoqué.
Le procureur de la République est associé à tous les stades de la procédure et peut poursuivre par la voie pénale les faits en parallèle de la procédure civile.

Le juge aux affaires familiales peut prononcer des mesures de nature variée, à savoir :

  • l’interdiction d’entrer en contact avec le demandeur,
  • l’interdiction pour le défendeur de se rendre dans certains lieux,
  • l’interdiction pour le défendeur de détenir une arme
  • la prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique du défendeur ou un stage de responsabilisation
  • l’attribution du logement au demandeur et la prise en charge de frais afférents,
  • la fixation des modalités d’exercice de l’autorité parentale, et, le cas échéant, de la contribution à l’éducation et à l’entretien des enfants,
  • L’admission provisoire à l’aide juridictionnelle laquelle peut être sollicitée par le demandeur en vue d’une prise en charge des frais de procédure. Durant toute la procédure, et par dérogation aux règles de droit commun, la partie demanderesse qui craint pour sa sécurité peut demander à ce que l’adresse de son logement ou de son domicile soit dissimulée dans le cadre de la procédure civile, y compris dans l’ordonnance.

Que la victime soit ou non assistée par un avocat, le juge aux affaires familiales peut lui présenter une liste d’associations ou d’organismes susceptibles de l’accompagner durant la procédure. Le juge aux affaires familiales délivre l’ordonnance de protection s’il considère comme vraisemblables les faits de violence allégués et le danger auquel la partie demanderesse ou ses enfants sont exposés.

Les mesures prononcées ont une durée maximum de six mois. Elles peuvent être prolongées au-delà si le juge est saisi pendant leur durée d’application d’une requête en divorce, en séparation de corps, ou d’une demande relative à l’exercice de l’autorité parentale.

L’ordonnance de protection est exécutoire à titre provisoire, sauf décision contraire du juge. Elle peut à tout moment être modifiée, complétée, supprimée ou suspendue. Lorsque le juge délivre une ordonnance de protection en raison des violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants, il en informe sans délai le procureur de la République afin qu’il puisse mettre en œuvre une mesure de protection à l’égard de ces enfants mineurs.

– Les différentes étapes 2:

1 – La saisine du juge par requête

La personne souhaitant obtenir une ordonnance de protection doit saisir le juge aux affaires familiales par requête rédigée soit par elle-même, soit par un avocat.

La requête est remise ou adressée au greffe du tribunal judiciaire se situant dans le ressort de la résidence de la famille ou des enfants mineurs communs.

En l’absence de résidence commune et d’enfant mineur, le tribunal compétent est celui du ressort dans lequel habite le défendeur.

2 – La notification de la date de l’audience à la partie adverse

Dès qu’il est saisi de la requête, le juge aux affaires familiales rend sans délai une ordonnance fixant la date de l’audience.

Cette ordonnance est notifiée à la partie demanderesse (la victime) par le greffe, par tout moyen donnant date certaine ou par remise en mains propres contre émargement ou récépissé.

La notification au défendeur s’effectue par voie de signification à l’initiative du demandeur, qui doit alors remettre l’acte de signification au greffe dans un délai de vingt-quatre heures, à peine de caducité de la requête.

Par exception, l’ordonnance peut être notifiée par voie administrative en cas de danger grave et imminent pour la sécurité d’une personne concernée par une ordonnance de protection ou lorsqu’il n’existe pas d’autre moyen de notification. C’est alors le juge aux affaires familiales, dans l’ordonnance de fixation de la date de l’audience, qui décide de ce mode de notification.

Dans tous les cas, est annexée à l’ordonnance une copie de la requête et des pièces qui y sont jointes.

Cette notification vaut convocation à l’audience fixée par le juge.

3- L’avis du procureur de la République

Lorsque le Ministère public n’est pas l’auteur de la requête, il est avisé par le greffe de la date d’audience à fin d’avis. Il doit alors rendre un avis sur la demande d’ordonnance de protection, pouvant revêtir une forme écrite ou orale.

4- L’audience devant le juge aux affaires familiales

L’audience se tient en chambre du conseil, c’est-à-dire dans le bureau du juge, « sans «public ».

Les auditions des parties ont lieu séparément si le juge le décide ou si l’une des parties le sollicite.

Si le juge estime que les faits sont vraisemblables, il peut prononcer une ordonnance de protection au bénéfice de la demanderesse et l’assortir des mesures qui sont visées à l’article 515-11 du Code civil.

S’il estime que les faits ne sont pas vraisemblables ou que les conditions de l’ordonnance de protection ne sont pas réunies, il rejette la demande.

– Ce que la victime doit faire : recueillir des preuves. Durant la procédure d’ordonnance de protection, chaque partie apporte au juge des éléments de preuve concernant les faits de violence allégués. Ces éléments sont contradictoirement débattus durant l’audience.

Le juge aux affaires familiales prononce l’ordonnance de protection « s’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés »

L’insuffisance des éléments de preuve versés au dossier constitue un motif récurrent de refus de la demande d’ordonnance de protection. Une attention toute particulière doit donc être portée à la constitution du dossier en amont de la saisine du juge.

Ainsi, doivent être réunis :

– Le récépissé de dépôt ou le procès-verbal de plainte ou de main-courante. 74 % des demandes d’ordonnance de protection sont accompagnées d’une plainte et 24 % d’une main courante. Si la plainte peut venir à l’appui de la demande d’ordonnance de protection, il ne s’agit en aucun cas d’une condition nécessaire à la recevabilité ou au bien-fondé de la demande. Comme le précise désormais l’article 515-10 du Code civil.

– un certificat médical

Si celui-ci n’a pas de caractère obligatoire, un certificat médical accompagne la moitié des dossiers d’ordonnance de protection, le plus souvent établi par le médecin traitant de la victime.

Le certificat médical pouvant avoir une influence déterminante dans le prononcé de l’ordonnance de protection, le demandeur doit être invité à contacter les services médicaux le plus rapidement possible afin d’établir un certificat médical. À cet égard, il convient d’indiquer que seuls les médecins légistes, exerçant au sein des unités médico-judiciaires (UMJ), peuvent établir un certificat détaillé fixant une incapacité totale de travail (ITT), laquelle permet aux juridictions d’apprécier la gravité des violences. Le certificat médical délivré par le médecin traitant de la victime est toutefois suffisant pour le prononcé d’une ordonnance de protection.

– Témoignages
Les témoignages de proches ou de personnes ayant assisté à des scènes de violences ou constaté des séquelles physiques ou psychologiques peuvent être versés au dossier (amis, famille, mais aussi voisins ou collègues de travail).

– Appels téléphoniques ou messages électroniques
Tout élément permettant de démontrer une violence psychologique ou physique peut être versé au débat : journal des appels téléphoniques, messages vocaux ou électroniques, photographies, etc. Mais, tous ces éléments doivent être constatés par exploit d’huissier de Justice. Le JAF n’écoutera pas les enregistrements lors de l’audience ni ne regardera les vidéos enregistrées.

– Profil du défendeur
Les antécédents judiciaires du défendeur ou ses problèmes d’addictions et/ou psychiatriques sont de nature à établir le danger encouru par la partie demanderesse. Le Parquet doit fournir également des éléments sur le défendeur au JAF. fournir, dans le cadre de son av

– Faisceau d’indices
Si certaines preuves permettent de caractériser le caractère flagrant des faits de violences, les autres éléments « plus ténus » seront appréciés par le juge selon la méthode du «faisceau d’indices». Tout élément de nature à démontrer la situation de danger et les violences alléguées doit donc être versé au débat.

Constat et efficacité des ordonnances de protection.
Quand le ministère de la Justice publie son « guide pratique » de l’ordonnance de protection (mai 2020), il persiste à ne pas protéger les femmes victimes de violences, en leur imposant un délai de 24 heures pour la remise de l’acte de signification au greffe de la Chambre de la Famille, par acte d’huissier de justice, et en induisant l’obligation d’un certificat établi par un médecin légiste, exerçant au sein de rares unités médico-légales.

En témoignent les dispositions ubuesques des ordonnances de protection visant à éloigner les conjoints violents de leur victime à l’été 20203. La nouvelle procédure confie ainsi aux victimes le soin d’adresser, par huissier de justice, à leur agresseur, dans les 24 heures, la requête, les pièces et l’ordonnance fixant la date d’audience, préalablement fixée par le Juge aux Affaires familiales. Charge pour la victime également de déposer ensuite l’acte de signification au greffe de la chambre de la famille.

Tâche impossible. La France regarde souvent ses voisines avec mépris. L’Espagne a réussi à endiguer le phénomène : plus de 39 000 ordonnances de protections en 2018 : 2500 en France, en hausse, mais avec 221 pour la seule Seine–Saint-Denis, on mesure l’incurie du reste du territoire national dans la mise en œuvre efficace de ce dispositif.

Tout reste à faire.

Me Anne LEYVAL GRANGER

Barreau de LYON

16 décembre 2020

1  « guide pratique » de l’ordonnance de protection, Ministère de la Justice, mai 2020

2 « guide pratique » de l’ordonnance de protection, Ministère de la Justice, mai 2020

3 https://leyvalgranger.fr/ordonnance-de-protection/

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