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Syndrome d’aliénation parentale : le malaise judiciaire !

Un couple qui se déchire use souvent d’arguments souvent peu glorieux. En matière d’action judiciaire, le syndrome d’aliénation parentale est l’une des armes les plus ignobles. Ce concept, inventé par les avocats américains, est aujourd’hui un obstacle majeur à la justice dans de nombreux drames familiaux, personnels, sociaux. Pis ! C’est un argument qui renverse des situations et jette nombre d’enfants sous la garde de leur père violent. À l’agonie, tant sur le plan financier que conceptuel, La Justice reprend à son compte cet argument sur lequel il convient de s’attarder. Quelles sont la genèse, la finalité, et l’utilisation en France du pseudosyndrome d’aliénation parentale ?

Comment dévoiler les drames qui frappent de nombreux enfants et permettre à la société de les résoudre ? Ce cruel constat était d’ailleurs relaté dans un article du quotidien «  Le Monde » en date du 25 mars 2022 : «  Elodie, une mère dans les filets de l’aliénation parentale ».

Comment renverser cette situation et faire évoluer l’attitude des institutions, de leurs représentants ?

Les registres judiciaires regorgent de mille et un exemples de l’utilisation du pseudosyndrome d’aliénation parentale. Dans les faits, cela revient toujours à décrire la mère en comme « aliénante » pour ses enfants, sous entendu, la femme, consignée à un rôle qui serait « naturel », use de ce pouvoir pour dresser ses enfants contre le père. C’est un argument imparable pour dénaturer les témoignages des enfants, pour invalider les argumentaires des femmes contre des pères ou conjoints souvent violents, voire pires. Là, un père, déjà condamné pour violence contre son ex-compagne, usera de cet argument pour retourner la situation en matière de garde d’enfants. Plus largement, c’est un concept utilisé massivement contre les femmes, quand ici, une psychologue, face à un retard de langage, signalera à un procureur « une mère aliénante ».

Rien n’y fait : en France, pays de Descartes, on continue à prendre des vessies pour des lanternes, et des concepts fallacieux pour des expertises recevables en prétoires.

De lucratives pseudosciences…

En effet, rien ne documente ce pseudosyndrome d’aliénation parentale. Nous vivons une époque dans laquelle chacun se fait spécialiste de tout. La psychiatrie n’échappe pas aux arguments bricolés au comptoir du bar du commerce. L’origine du concept de pseudosyndrome d’aliénation parentale est américaine. Il a un inventeur : le psychologue Richard Gardner, qui en fit fortune comme expert mobilisé par les avocats des pères dans des procédures de divorce. On découvrira tardivement les déclarations pédophiles de R. Gardner, sans que cela nuise à son argumentaire largement repris. La psychiatrie scientifique et le monde académique dénoncent massivement ce pseudosyndrome, vrai argument sorti de la manche des avocats américains, et vraie baudruche scientifique.

Résumons-nous : on est face ici à de la vraie pseudoscience.

la justice : un marché comme un autre ?

En France, le concept fait pourtant florès. En France, l’utilisation sans vergogne des pseudosciences est devenue la règle. L’argument d’aliénation parentale est utilisé contre les enfants et leur mère dans les dossiers de séparations, de violence ou d’inceste. Que justifie son utilisation immodérée dans les prétoires ? Le corps des juges ne pouvant être taxé de misogyne, on est donc face à autre chose. Imaginons cinq minutes le scandale face à un juge qui retiendrait les arguments d’un sourcier, d’un astrologue ou d’un médium dans un procès. En l’espèce, la France, dernier refuge de la psychanalyse, n’en est plus à ça près pour confondre experts et charlatans en psychiatrie.

Le problème est bien là : la Justice doit avoir le temps et les moyens de construire des expertises sur des bases scientifiques. Comment renverser la donne ? Le ministère de la Justice a beau avoir publié le bilan du 4e plan de Prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes [2014-2016], invitant à ne pas prendre en compte cet argument, rien n’y fait : quelques experts français, imitant R.Gardner, continuent à produire des argumentaires sans fondement scientifique, sur la base d’une croyance ancestrale, toujours au profit d’hommes violents.

Repenser la justice comme pouvoir sur des bases rationnelles

Il est important aujourd’hui de repenser la Justice autour de trois axes.

  • Se doter d’une approche axée vers la défense et la réparation des victimes. Pour ce faire, il faut conserver l’immanence du droit et du corpus législatif, mais repenser le rôle de chacun pour permettre la réparation des victimes.
  • Sortir d’une logique de tuyaux d’orgue : une famille qui se déchire entre le père et la mère met en jeu la vie de beaucoup, dont les enfants. On est face à un seul sujet. Disons-le autrement et clairement : un mari violent ne peut pas être un bon père et la justice doit être cohérente.
  • Enfin : recentrer l’action des juges, distinguant bien conduite d’un procès, lecture du droit et qualification des experts scientifiques et techniques. Il faut distinguer ces fonctions.

Les Français viennent d’envoyer un message fort : il y a un besoin de justice. Repenser le ministère de la Justice demandera des moyens, du temps, de la réflexion collective. Ça aurait dû être l’objet des assises de la justice et de la récente campagne pour l’élection présidentielle. Dans l’attente, les pères violents bénéficient de deux ou trois actions judiciaires distinctes dans lesquelles les enfants continuent à être considérés comme des objets. Au final, ces enfants continuent d’être victimes d’une justice en mal de cohérence.

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