La justice en désamour
Un récent sondage BFM/Elabe se penche sur la confiance des Français dans les institutions régaliennes de l’État. Si le sondage montre une dégradation de la confiance envers la police, il souligne la défiance vis-à-vis de la justice. Avec seulement 1 Français sur 2 qui lui fait confiance, un petit 8 % lui faisant totalement confiance, la Justice arrive bonne dernière du classement.
On ne peut que mettre cette situation en parallèle avec le décret du 27 mai 2020 du gouvernement français concernant les ordonnances de protection des femmes victimes de violences. Le fossé entre discours gouvernemental, y compris durant le confinement, et actes est en cela mortifère pour la confiance des citoyens.
Il est temps d’instaurer un nouveau lien entre justice et justiciables.
Dans une institution marquée par des corporatismes ancrés, la première erreur serait de penser s’exonérer personnellement de toute responsabilité : des avocats aux juges d’instruction, des greffiers aux présidents de chambre, toute l’institution souffre aujourd’hui. Ce discrédit vient de loin, il se nourrit du vécu de nos concitoyens, des délais d’attente délirants, des décisions souvent incompréhensibles, changeantes, des appréciations différentes selon le lieu où l’on est jugé. Tout cela nourrit un sentiment d’injustice et d’inégalité des citoyens devant une institution qui permet de vivre ensemble. Il n’est pas rare dans la période de se voir notifier en 2020 une audience pour 2021, voire 2022. L’avocat peut se défausser sur l’institution, son crédit auprès de son client est largement entamé quant à l’issue de son dossier.
Il y a aussi l’inflation législative, recours facile auquel se livre le pouvoir politique en guise d’actions. Un fait divers spectaculaire, une loi. Pourtant, il s’agirait souvent moins de promulguer une nouvelle loi que d’appliquer le corpus législatif existant, et de coordonner l’action des différents acteurs, dont les institutions relevant de l’État.
La justice française souffre aussi d’être trop peu réactive, trop lente, trop figée. Comme avocats, nous avons des alternatives pour faire évoluer la perception de nos concitoyens. Si les moyens, humains, matériels doivent permettre aux tribunaux de fonctionner, l’État doit enfin prendre en compte 67 millions d’habitants et beaucoup plus de lois qu’en 1930 pour adapter les budgets alloués à la justice.
Mais, il faut aussi faire évoluer les moyens d’action des acteurs de la justice. Cela passe par la médiation, pour permettre aux différentes parties de vivre malgré ou avec les différends qui les opposent. Le rôle des avocats en la matière sera prépondérant pour cela.